Micro-Aventure #1 : La traversée de la Chartreuse
Réalisé : 83km
D+ : 4700m
Sueur évacuée : 15L
Durée : 2 jours
Je ne sais pas pour vous mais j’ai une liste où j’ai répertorié toutes les aventures que je voudrais vivre dans ma vie, que ce soit en France ou à l’étranger. En tant que passionné de voile, en haut de cette liste on retrouve la Transatlantique en monocoque, mais aussi le canal de la Garonne en VTC ou encore le Mont Ventoux en vélo de route. Il y a des aventures que l’on prépare et d’autres qui arrivent spontanément, des aventures qui tiennent sur un weekend et d’autres un mois, tout dépend de votre motivation et de votre vie. Pour ma part, je me concentre sur des micro-aventures les week-ends. Et aujourd’hui je suis fier de pouvoir cocher « La traversée de la Chartreuse à pied » de ma liste.
Je me suis lancé ce défi après qu’un ami s’est jeté à l’eau. J’ai compris qu’il fallait que je me lance, et pas plus tard que la semaine d’après j’enfilais mes chaussures et mon sac à dos et je prenais la route. Ce n’était pas prévu mais si je continuais à repousser, je ne le ferais jamais.
Je n’ai pas de voiture, j’ai donc décidé de réaliser cette traversée de gare en gare en partant de Grenoble pour arriver à Chambéry, la ville où je connais le plus de monde au cas où j’arriverai trop tard pour le dernier train dimanche. Je n’avais aucune idée du nombre exact de kilomètres mais après l’avoir tracé sur internet on m’annonçait 62km (spoiler : j’étais loin du compte).
Comme à mon habitude je n’ai pas la moitié du matériel, ce dernier étant éparpillé dans ma famille et prêté à des amis. Je m’équipe donc avec ce que je peux : une tente, un duvet, mon couteau, un coupe-vent...
J’ai fait le choix de ne pas prendre de réchaud et de popote car c’est très encombrant et je n’ai qu’un sac 40L. Ce sera donc une grosse
réserve de pain de mie, de fromage et d’eau, pas hyper équilibré mais pour deux jours on ne fera pas les difficiles.
Je n’ai pas non plus mes cartes IGN et impossible de me les procurer. J’essaye donc de me préparer de façon optimale, j’analyse le parcours, je le trace et l’intègre dans mon GPS… Je ne le réalise pas encore mais j’aurais vraiment dû tout faire pour les avoir parce que l’absence de cartes m’a poussé à prendre de gros risques. Mon GPS étant prévu pour du vélo il n’était pas du tout adapté à la randonnée et ne m’a servi à rien du tout.
Samedi matin - 5h
C’est parti, nous sommes samedi matin, je sors de mon lit, il fait encore nuit. Mon sac est prêt, j’avale mon petit déjeuner, vérifie que je n’ai rien oublié et pars en direction de la gare Lyon Part Dieu pour prendre mon train de 6h12, je m’y rends à pied pour me mettre dans l’ambiance.
Je suis tout excité et j’ai hâte de démarrer !
7h40 : arrivée à Grenoble dans les temps, au top !
Je traverse la ville et grimpe jusqu’à la Bastille, une première montée pour s’échauffer, très appréciée par les coureurs. Je continue à monter jusqu’au Fort du Mont St Eynard et une belle récompense m’attend en haut : une vue magnifique sur la vallée du Grésivaudan et de l’agglomération grenobloise.
Je continue à longer les crêtes puis redescends vers Sappey en Chartreuse. Je continue à suivre le GR9 et contourne Chamechaude, le plus haut sommet de la Chartreuse, je passe juste en dessous et je réalise que j’ai bien fait de chasser l’idée de le gravir qui m’a traversée l’esprit 1h plus tôt. C’est une longue ascension jusqu’à Emeindras de dessus mais une pause déjeuner m’attend à l’arrivée où je vais engloutir un nombre de tranches de pain de mie, de fromage et de jambon qu’on ne précisera pas. Ça n’a pas l’air appétissant mais avec une telle vue, la combinaison de ces trois aliments prend une toute autre saveur !
Et enfin… après moultes kilomètres entre crêtes et forêts je termine sous la dent de Crolles et sa montée de 2km annoncée en… 2h ! Aïe je le sens mal. À plus de 2000m d’altitude elle surplombe la vallée. J’attaque donc la montée sous le soleil tapant, précédé et suivi de nombreux locaux venus faire leur balade du samedi. Doucement mais sûrement je me hisse au sommet, admire la vue, mange une barre et repars pour la suite, je n’en suis qu’à 32km, il est 17h et ma prochaine étape est 9km plus loin, je ne dois pas traîner.
La suite entre la Dent de Crolles et le col de Bellefond est assez tranquille bien qu’avec la neige le chemin soit difficilement repérable.
Je croise un bouquetin des Alpes sur la montée du col de Bellefond, qui se joint à moi et m’accompagne tout du long. J’essaye de faire la course avec lui mais je suis battu à plate couture avant même d’avoir commencé !
Une fois au col de Bellefond, c’est la récompense, le vallon de Marcieu. Une cuvette entourée de haute montagne et au loin j’aperçois l’ultime étape de de cette traversée : le Granier !
Un groupe me ramène à la réalité, je commence à descendre en hors-piste sur les cailloux et la neige et rejoins ma dernière étape : le chalet de l’Aulp du Seuil. Toute cette neige a réussi à me faire perdre le chemin et j’ai failli passer à côté du chalet mais tout est bien qui finit bien. Je n’ai pas pu le « visiter » parce qu’il était fermé mais j’ai pu voir ma première marmotte ! Je trouve la source et installe mon bivouac un peu plus haut. J’ai croisé quelques aventuriers qui comme moi venaient passer une nuit sur place mais je n’ai jamais su s’ils faisaient la traversée. Après un bon repas froid je m’endors comme un bébé… jusqu’à 3h du matin où le vent glacial vient me réveiller. Je me tourne et me retourne mais impossible de me rendormir. Au bout de 2h je décide de plier bagages et de continuer mon chemin. A 5h30 je suis sur le départ, bâtons à la main et, vu les nuages, une veste de pluie sur les épaules. Une bonne idée d’ailleurs parce que 5 minutes plus tard il a commencé à pleuvoir, et je n’ai pas eu de répit jusqu’à mon arrivée à Chambéry 10h plus tard.
Je pars sur le seul sentier visible qui remonte vers les crêtes, il est balisé et inspire confiance mais l’habit ne fait pas le moine. Je réalise plus tard que ce sentier permettait de monter et descendre des crêtes mais absolument pas de les longer comme je l’ai fait.
C’est là que les ennuis commencent. On peut mettre ça sur le compte de ma courte nuit, du manque de luminosité ou de la fatigue mentale mais je suis complètement passé à côté du bon chemin. J’ai donc avancé 6km sur un terrain en pente, désagréable et en plus bien plus long qu’un sentier classique. Point positif : je croise deux chamois, la maman et son enfant qui dévalaient la pente à toute vitesse, ils ont sûrement réalisé plus tôt que moi qu’ils n’étaient pas sur le bon chemin et ont pris la bonne décision !
Une fois la traversée du Vallon terminée, vous pensez que j’ai retrouvé le chemin et que tout est rentré dans l’ordre ? Non, ça n’arrive que dans les films ce genre de chose et puis où serait l’aventure si on s’arrêtait là !? Une fois mes 6km achevés je me retrouve face à une crête vraiment serrée avec le vide à droite et une pente à 180° à gauche. Je peux voir la roche de Fitta en face de moi et le Granier juste derrière elle, ils sont si proches et pourtant 10km m’en séparent. Je ne vois que deux moyens d’y accéder : continuer tout droit sur les crêtes et traverser sur le petit sentier qui se dessine devant moi ou redescendre plus bas et essayer de récupérer un autre sentier dans la forêt qui me fera redescendre puis remonter. Vous vous en doutez, je continue tout droit, malgré les Cairns sur le parcours je comprends vite que je ne pourrais pas aller plus loin et à contre cœur je décide de retourner sur mes pas. Finalement je réussi à retrouver mon chemin plus bas, gravir cette montée, qui s’avère plus rapide que prévu et de terminer cette traversée au col de l’Alpette !
La traversée de la Chartreuse est peut être terminée mais il faut encore que je rejoigne la gare la plus proche, soit celle de Chambéry, à 25km de là ! Je suis trempé et la pluie ne s’arrête pas, ce n’est pas très sexy mais j’ai tellement d’ampoules que je pourrais éclairer un 20m². J’ai beaucoup de mal à marcher et lorsque je réalise que le GR me fait monter à la pointe de la Gorgeat soit 650m au-dessus de moi je réfléchis à une autre option. L’un des choix qui s’offre à moi est de rejoindre le col du Granier, redescendre par la route pendant 6km jusqu’au Pas de la Fosse où le GR et la route se rejoignent. Avec l’option 1 en montant à la pointe de la Gorgeat je remonterais encore 400m et redescendrais 700m en forêt sur un terrain irrégulier et mouillé, je ne pourrais pas courir pour atténuer la douleur de mes pieds (et oui la course m’a permis d’avoir moins mal, le corps à ses raisons que la raison ignore). Je choisis de redescendre par la route et de rejoindre le GR plus bas.
Ces 6km n’étaient pas les plus agréables de la traversée mais la douleur était plus supportable sur le béton. Une fois au Pas de la Fosse je récupère le GR et le suis jusqu’à la Croix de la Coche. Entre ces deux étapes mon moral est au plus bas, il y a du brouillard, je ne vois pas ou je ne vais ni ou j’en suis, j’ai l’impression de ne pas avancer et j’ai mal partout. Mais lorsque je vois Chambéry depuis la Croix une poussée d’adrénaline me submerge et je me lance à toute allure dans la descente vers Chambéry avec l’objectif d’avoir le train de 15h28. Et objectif atteint, j’arrive une heure plus tard à la gare en super forme (ou pas) !
Me voilà dans le train, au chaud (ou presque, clim oblige…). Je m’installe, étend mes affaires, enlève mes chaussures, j’aurais pu investir tout le wagon si on ne m’avait pas arrêté. Encore 4km de course pour rentrer chez moi et la boucle sera bouclée !
J’ai vécu en deux jours une expérience incroyable qui m’a semblé durer une semaine. Et dire que des gens font ça en une seule journée…
Alors quelle sera la prochaine aventure que je vais rayer de ma liste ? C’est encore un secret
…Et vous, ce sera quoi la vôtre ?! 😉